COVID19 – Virus et rupture de période d’essai ou promesse d’embauche

L’incertitude dans laquelle se trouvent les entreprises sur leur avenir économique peut les amener à reconsidérer les embauches qu’elles avaient prévues. L’épidémie et les difficultés qu’elle suscite constituent-elles un motif valable de rupture d’une promesse de contrat de travail ou d’une période d’essai ?

Offre ou promesse de contrat de travail : la rupture pourrait être admise

Si le candidat à l’embauche et l’employeur sont simplement entrés en pourparlers, sans formaliser par écrit les conditions d’une embauche, ils ne sont pas liés : ces pourparlers peuvent être rompus à tout moment.

Si l’employeur a adressé au candidat une proposition ferme écrite, par lettre ou e-mail, précisant l’emploi, la rémunération et la date d’entrée en fonctions, il ne peut en principe se rétracter que si le candidat n’a pas encore reçu son offre, ou s’il ne l’a pas acceptée dans le délai qui lui était imparti pour le faire (par exemple : « sans réponse de votre part dans un délai de 15 jours … ») ou dans un délai considéré comme raisonnable (Cass. soc. 21-9-2017 n° 16-20.103 et n° 16-20.104 FS-PBRI).

Si en revanche le candidat a déjà accepté la proposition, les parties sont en principe liées par un contrat de travail. La rupture unilatérale par l’employeur s’analyse alors en un licenciement sans cause réelle et sérieuse si le contrat promis était à durée indéterminée (Cass. soc. 15-12-2010 n° 08-42.951 F-PB), et en une rupture abusive si le contrat était à durée déterminée (CA Aix-en-Provence 20-1-2012 n° 10-22931). Elle ouvre droit à des dommages et intérêts pour le salarié.

L’employeur pourrait-il faire valoir devant le juge, en cas de litige, que la rupture était justifiée par les conséquences de l’épidémie de coronavirus ? Des circonstances particulières légitimant la rupture d’une promesse de contrat ont parfois été admises par les juges, mais c’est assez rare (voir par exemple Cass. soc. 15-1-1981 n° 79-41.291 P). L’état de crise sanitaire décrété par le Gouvernement et les mesures qui l’accompagnent constituant des événements particulièrement soudains, imprévisibles et complexes à gérer pour l’entreprise, pourrait-il justifier une certaine clémence des juges ? L’étude du contentieux le montrera.

Il n’en reste pas moins que le candidat évincé pourrait se prévaloir de préjudices spécifiques, en particulier s’il a démissionné pour accepter le poste et s’est retrouvé sans emploi ni prise en charge par l’assurance chômage après la rupture.

A notre avis : L’employeur n’est pas dans l’obligation de rompre sa promesse de contrat : il a la possibilité de négocier avec le salarié un report de la date de début d’exécution du travail, afin de laisser passer la crise. Il peut également, s’il met en place l’activité partielle dans son entreprise, en faire bénéficier l’intéressé dès son embauche, avec les autres salariés : l’activité partielle n’est pas soumise à une condition d’ancienneté du salarié.

Période d’essai : le coronavirus ne peut pas justifier une rupture

L’état de crise sanitaire ne peut en aucun cas justifier une rupture de la période d’essai. En effet, l’essai a pour but de tester les capacités professionnelles du salarié. Il ne peut donc être rompu que pour un motif lié aux aptitudes de l’intéressé : en aucun cas la rupture ne peut être décidée pour une autre cause (Cass. soc. 10-4-2013 n° 11-24.794 F-D).

Il a été jugé que la rupture de la période d’essai par l’employeur est abusive si celui-ci ne laisse pas au salarié un temps suffisant pour faire ses preuves (CA Paris 11-12-2008 n° 07-2548) ou si elle intervient pour un motif économique (Cass. soc. 20-11-2007 n° 06-41.212 FP-PBR) ou après le refus par le salarié d’une baisse de sa rémunération (Cass. soc. 10-12-2008 n° 07-42.445 F-PB).

Toutefois, dans la mesure où la rupture de l’essai n’a pas à être motivée, il n’est pas toujours simple de prouver l’abus ou la véritable intention de l’employeur. Les juges prud’homaux seront probablement attentifs aux litiges relatifs à des ruptures d’essai pendant la période de confinement lié au coronavirus.

A noter : Le salarié en période d’essai peut être placé en activité partielle au même titre que les autres salariés.

Par ailleurs, si le salarié en période d’essai est placé en arrêt de travail, soit parce qu’il est atteint par le coronavirus, soit parce qu’il doit garder son enfant, cette suspension du contrat de travail proroge l’essai pour une durée équivalente.

 

© Editions Francis Lefebvre – 2020